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DE LA RAISON PURE


et le temps, qui en sont les conditions à priori, de même le second ne peut se produire qu’en vertu de certaines conditions à priori, qui sont les formes mêmes de la pensée, comme les premières sont celles de l’intuition, et qui, s’appliquant aux objets fournis par celle-ci, tirent leur valeur de cet usage même. C’est l’entendement qui est lui-même, par ses concepts, l’autenr de l’expérience. Voilà le grand principe que Kant oppose à Locke et à Hume, et à l’aide duquel il prétend maintenir la raison entre les deux écueils où l’ont fait échouer ces deux philosophes : le dogmatisme empirique du premier et le scepticisme du second (v. p. 156-157).

Suivons maintenant ce principe dans le développement que lui donne notre auteur.

Nous avons vu que la fonction générale de l’entendement était d’introduire l’unité dans la diversité de nos représentations. Toute liaison entre les intuitions diverses, comme entre les divers concepts, est un acte de l’entendement (v. p. 159). Mais comment cet acte, que Kant désigne sous le nom commun de synthèse, est-il lui-même possible, ou quel en est le principe originaire ? Il y a sans doute la catégorie de l’unité, mais cette catégorie, comme toutes les autres, ne fait que représenter une fonction logique du jugement qui implique déjà la liaison et par conséquent l’unité des concepts. Il faut donc remonter plus haut encore, c’est-à-dire « à ce qui contient le principe de l’unité de différents concepts au sein des jugements et par conséquent de la possibilité de l’entendement lui-même (p. 160). » Ce principe, Kant le trouve dans l’unité de cette conscience de soi-même qui s’exprime par le « je pense, » et qu’il désigne sous le nom d’aperception pure ou originaire. Nous arrivons ici à l’un des points les plus subtils et les plus obscurs de sa critique ; je voudrais en donner une idée aussi claire et aussi exacte que possible (1)[1].

De l’unité du je pense ou de la conscience comme principe de toute synthèse.

Les représentations diverses données dans une intuition, par exemple dans celle d’un palais ou d’un temple, ne sont toutes ensemble mes représentations que parce que toutes ensemble

  1. (1) Je sais ici le travail substitué par Kant, dans sa seconde édition, à celui que renfermait la première sur le même sujet, et je laisse de côté cette première rédaction de sa pensée. Il serait sans doute intéressant de comparer les deux rédactions et de marquer les diffé-