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ANALYSE DE LA CRITIQUE

étant hors de nous et distribuées dans l’espace. Or ce n’est pas la Sensation qui me donne la représentation de l’espace, puis que, sans cette représentation même, je ne saurais me représenter les choses de cette manière. Il faut donc qu’elle existe déjà en moi (v. p. 77), ou qu’elle soit la forme même de mon sens extérieur ou de toutes les représentations qui en dérivent. Elle est ainsi à priori. Ce qui le prouve encore, c’est qu’elle est nécessaire : « il est impossible de se représenter qu’il n’y ait point d’espace, quoiqu’on puisse bien concevoir qu’il n’y ait point d’objets (p. 78). » C’est aussi qu’on ne peut se représenter qu’un seul et même espace, et l’on ne saurait non plus le considérer comme un assemblage de parties, puisqu’au contraire les parties ne peuvent être conçues qu’en lui. C’est enfin que nous nous le représentons comme une grandeur infinie, comme une grandeur dont toutes les parties coexistent à l’infini. À tous ces titres, il faut reconnaître que la représentation de l’espace ne vient pas de l’expérience, mais qu’elle existe en nous à priori, comme la forme de notre intuition extérieure, ce que Kant exprime en disant qu’elle est une intuition à priori.

Il confirme ce mode d’explication par l’existence même de la géométrie, comme science déterminant synthétiquement et pour tant à priori les propriétés de l’espace, celle-ci, par exemple, que l’espace n’a que trois dimensions. Comment cette proposition apodictique (absolument nécessaire) et toutes les autres du même genre seraient-elles possibles, si l’intuition de l’espace n’existait en nous à priori ? Ce n’est pas de l’expérience que ces jugements peuvent dériver, soit directement, soit indirectement. Il faut admettre qu’ils ont leur origine dans une intuition extérieure qui précède la perception des objets et qui ne peut être autre chose que la forme même du sens extérieur en général (v. p. 81).

Il suit de là que l’espace ne peut être considéré comme une propriété inhérente aux choses mêmes ou à leurs rapports ; car il n’y a point de propriété, soit absolue, soit relative, qui puisse être aperçue antérieurement aux choses mêmes auxquelles elle appartient, et par conséquent à priori. Il n’est autre chose que la forme suivant laquelle nous percevons les objets extérieurs, ou la condition subjective de toutes nos intuitions extérieures, et par conséquent il n’a de sens que pour nous. « Nous ne pou-