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maines, la triste, la jalouse qui a pris son amant !

Et plus s’avançaient les assiégeants, plus elle était joyeuse, plus elle étanchait sa fureur dans leur sang détesté, plus elle se rapprochait de celui qu’elle avait perdu, plus elle était au ciel !

Ses doigts sont noirs, son œil sanglant ; entre ses dents serrées elle déchire la cartouche aussi facilement qu’elle tranchait le fil de soie dans ses jours de bonheur.

Les voici, les voici ! Déjà, dans les enceintes, la trompette ennemie sonne un chant triomphal. Déjà les hordes papistes ont foulé ton sol libre, République romaine, fille et mère de héros !

La jeune fille remplit son arme de salpêtre, de plomb et de cailloux ; elle s’agenouille près de son cher cadavre, l’ensevelit avec elle dans les plis du drapeau qu’ils défendaient tous deux. Et ferme, déifiée dans ce moment suprême, elle détache ses pensées de la terre et des hommes !…

Quand ils la voient ainsi, les tueurs de femmes, les assassins de nations, les soldats de Bonaparte-le-Parricide hésitent un instant. Puis ils s’avancent, résolus, vers le groupe d’amour et touchent le cadavre du bout de leurs fusils.

Alors, vous eussiez vu Saturnina la brave se relever, bondir, faire éclater son arme sur le groupe ennemi, mordre, sauter aux yeux et se tordre, mourante, au milieu des baïonnettes. Jusqu’à ce qu’elle vînt tomber, rougie par son sang, sur le corps mutilé du bersagliere lombard !…

573 Liberté, Liberté, ma sainte et ma maîtresse,