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cence, viennent leur demander le soulagement des plus intraitables appétits ! Et qu’elles ne peuvent se refuser à les satisfaire, qu’ils soient vieux, repoussants, infirmes ou contrefaits, dès qu’ils ont de l’argent ! Elles sont plus malheureuses qu’on ne saurait le dire ; on ne tient pas compte de leur âme, leur corps est taxé comme une marchandise de boucherie. L’amour ne leur apparaît que de loin en loin, leur apportant, sur ses ailes coupées, le plus amer des calices, l’écume des passions. Le reste du temps, elles sentent s’agiter sur leurs seins le spectre maigre de la Luxure qui les dégoûte à jamais du bonheur !


Voilà cependant ce que les hommes ont fait de la femme, leur mère et leur nourrice, leur amante et leur sœur ! Ils en ont fait un chiffon qu’ils se renvoient de l’un à l’autre, une éponge qui boit la fange des rues, quelque chose qui n’a plus de nom, plus de forme, plus d’existence, une créature qui marche, dort, veille, sourit et se tord de volupté sans jamais vivre ! Et plus elles sont jeunes, plus elles sont belles, plus elles ressemblent à Cléopâtre ou à Madeleine, plus elles sont séduisantes, plus elles ont à souffrir des caprices d’êtres vulgaires, plus vite on les descend dans la tombe, la prison ou le lit d’hôpital.

Et si par hasard un homme sensible vient à s’éprendre de l’une d’elles en raison même de son malheur ; s’il l’arrache, encore vivante, au gouffre sans étoile, cet homme-là ne trouvera pas un