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du besoin d’aimer ! On leur fait étaler leurs grâces, leurs longs cheveux, la blancheur de leur teint sous les yeux du public, et provoquer la foule du feu de leurs regards !

Elles ne restent jamais habillées et jamais nues ; elles ne se lacent jamais pour être toujours prêtes à l’acte du plaisir, elles ne se délacent jamais pour être toujours disposées à la promenade agaçante !

Elles n’ont ni l’entrain de la bacchante, ni la sèche raideur de la bourgeoise, ni la tendresse de la femme, ni la fougue de 487 l’homme, ni la jouissance des sensations, ni les illusions de l’amour, ni la consolation de pleurer, ni le temps de rire, ni âge, ni sexe, ni veille, ni lendemain, ni parents, ni amis, rarement un amant !


Les sacrifiées ! — Elles vivent de l’amour, et pour elles l’amour est un affreux supplice ! Elles se couchent, la mort dans l’âme, sur le lit banal, le lit infâme où elles meurent de dégoût, vingt fois le jour, les unes après les autres. Elles maudissent les brutales passions qu’elles sont forcées d’allumer et d’éteindre. Elles donnent mille baisers pour un morceau de pain !

Elles sont réduites à habiter au fond des bouges noirs, derrière des fenêtres grillées. Elles dorment au choc des verres, sous des tables fumantes, au milieu des querelles d’ivresse et des rixes ensanglantées, sur les genoux, entre les bras de buveurs inconnus.