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dant à beaucoup d’hommes, et aux plus forts ! On les entasse, comme des poissons salés, dans des espaces étroits où les machines préparent je ne sais quel mélange de soufre, de charbon, de poussière, de salpêtre, de coton, de soie, de gaz méphitiques, de parcelles irritantes, qui leur sert d’atmosphère. Et cela s’appelle vivre en termes civilisés ! Quels mystères redoutables peut donc, après cela, nous révéler la Mort ? ! —

L’Enfer est sur la terre !

Ce sont pourtant ces hommes-là qui conservent l’existence des autres, les couvrent de la tête aux pieds, les abritent, posent la première pierre et la dernière planche de leurs maisons ! Vraiment, c’est en raison de leur inutilité, de leur nocuité, que les hommes sont récompensés par les hommes !

L’air est rare dans les villes  ; les eaux y sont empoisonnées ; on s’y dispute le pain et le sel. De vin et de repos, il n’en est plus pour l’ouvrier ! Le feu des hauts-fourneaux tombe sur les forgerons comme une averse de sable rouge. Et ce feu leur brûle la peau, leur dessèche le sang, leur crispe les entrailles et communique à la moelle de leurs os un affreux tremblement. — L’Enfer est sur la Terre !


Le soleil court sur les blés, les bois et les vendanges. Je vois le fermier penché sur les épis, et le vigneron agenouillé près de sa plante, sa chère fille toujours plus malade, qui lui demande tant