Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/336

Cette page a été validée par deux contributeurs.

un lit de pavés ou sous les roues des chars que la vapeur entraîne !

L’Enfer est sur la Terre ! — C’est pour lui que l’Ange de la Mort traque, moissonne et tue ceux qui travaillent d’un crépuscule à l’autre. L’oisif s’engraisse de la substance de l’ouvrier, il dort tout le sommeil de sa veille. Ah rougissons, rougissons de toutes nos veines, nous qui pouvons supporter la vie dans une société semblable et ne savons espérer vengeance, bonheur et justice que dans le Ciel !


Le jour mal venu pour la plupart des hommes répand sur les objets ses vagues de lumière. J’entends l’orchestre des déshérités préluder lentement à son ouverture morne.

Je distingue le gémissement des basses qui s’élève de l’atelier des forgerons, le soprano perçant des ferblantiers et des orfèvres, le tonnerre des marteaux sur les enclumes retentissantes, l’harmonie qu’ils forment tous : serruriers, maçons, paveurs, tisserands, menuisiers, cordonniers, chapeliers, tisseurs et tailleurs. 481 L’innombrable population des ateliers, des usines et des forges frémit et bourdonne comme un essaim d’abeilles.

Ceux-là passeront tout le jour courbés sur la table de travail, aux prises avec le métal, la pierre et les matières premières. Heureux s’ils ont assez d’air pour la soif de leurs poumons !

— Oui, l’air qui court partout, l’air dont le brin d’herbe est rassasié, saturé, l’air manque cepen-