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ne pouvant réaliser de grands bénéfices sur les objets importés, il lui faut gagner beaucoup sur ceux qu’il fabrique.

Ce gain, sur quoi peut-il le prélever ? — Ce n’est pas sur l’achat des matières premières, sur le chauffage, le loyer et les instruments de travail, les prix de toutes ces choses étant établis d’une manière fixe. Ce n’est pas non plus sur la vente, le consommateur apprenant toujours, grâce à la concurrence, les tarifs les plus modérés. Mais c’est sur la main-d’œuvre. Et qui fournit la main-d’œuvre, la marchandise humaine, l’article du bras, du muscle, de la force, toujours déprécié, toujours rabaissé ? Qui le fournit ? C’est le pauvre ouvrier !…

La plupart des prolétaires ne peuvent s’expatrier faute de ressources. Faute de protections, ils ne trouvent pas de travail dans les chemins de fer de l’état et des compagnies. En temps ordinaire, l’offre du travail dans les États-Sardes est donc de beaucoup supérieure à la demande.

D’où résulte : que les conditions faites par tous les patrons sont également et inflexiblement cruelles ; — que c’est presque une faveur pour l’ouvrier de travailler à vil prix, de donner sa vie, contre un salaire dérisoire, à l’homme qu’il abhorre ; — que le meilleur ouvrier se voit toujours évincé par le pire, lequel se contente d’une moindre paie et suffit parfaitement aux travaux de la localité ; — que l’ouvrier est absolument à la discrétion de l’entrepreneur ; — que celui-ci, dans sa fabrique, et plus maître qu’un tzar sur