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vivre enfin comme il convient à des hommes !

Pleurez, femmes de Piémont, comme pleuraient les braves, les Italiennes d’autrefois. Pleurez pour rendre furieux ceux qui vous aiment, non pour les attendrir. Pleurez, criez vengeance, et déposez à leurs pieds et du fer et des torches. Qu’ils ne vous caressent plus de leurs mains durcies par l’avilissant labeur ! Qu’ils soient rendus par vous aux joies de l’amour, du bonheur ! Que la femme sauve l’homme, l’homme qui n’a plus ni force, ni vouloir, ni conscience de ce qu’il vaut !

Pleurez, femmes de Piémont ! Que vos beaux yeux fondent en larmes sanglantes ! Pleurez de désespoir, de rage et d’orgueil 456 offensé. Relevez-vous les premières : en Occident les hommes sont morts !


Ô Nature ! pourquoi sourire si joyeusement à la pauvre Italie ? Pourquoi lui prodiguer le beau soleil, les ruisseaux, la verdure, les brises embaumées, l’atmosphère diaphane, les fruits d’or et de pourpre et les cieux d’azur ? Pourquoi tant de splendeur sur ses misères si noires ? Pourquoi des décors de paradis sur ses drames d’enfer ?

Hélas ! partout où l’homme passe, il traîne après lui la disette et la mort ; on peut suivre sa trace aux cadavres des pauvres étendus sur sa voie. Il ruine les contrées fertiles il convertit en déserts les villes peuplées ; il assombrit le pavillon si pur qui brille sur sa tête. Le travail forcé, le paupérisme, la maladie, la servitude le suivent partout comme une meute vorace !