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jours de sa vie, malheureuse, hypocrite, mendiante, trompeuse, prostituée publiquement, légalement, à perpétuité. Quand une femme de cœur s’est dit une bonne fois : « je ne puis plus exister ainsi ; ma situation torture horriblement mon esprit et mon âme ; »… quand elle s’est dit cela — et combien l’ont dit plus souvent que madame Lafarge ! — … quand elle s’est dit cela, elle s’est irrévocablement placée entre le Suicide et l’Homicide. — Mourir ou faire mourir. — To be or not to be — That is the question !

That is the question ! — Car la loi, la société ne veulent rien faire pour l’épouse contre son maître. Et si elle leur demande satisfaction, elle n’aboutira qu’au dégradant scandale, aux sifflets, aux huées. — Car les femmes ne sont rien en civilisation que les souffre-douleurs du premier rustre venu. Et il n’est pas dans le caractère de toutes femmes de se résigner, tant qu’il plaît à ce rustre de vivre en les faisant mourir. Et si elle vient à désirer, à rêver la mort de ce rustre, nulle femme ne peut répondre qu’un beau jour, à bout de patience, repoussée de toutes parts, après quelque scène de désespoir, elle ne se fera pas justice de ses propres mains !

Moi, je soutiens que celle qui tue son mari est mille fois plus 377 brave, franche, estimable, honnête et digne que celle qui le déshonore. Je soutiens qu’en enchaînant pour la vie deux êtres antipathiques, la loi ne leur permet d’échapper que par la mort à son joug hébétant. Le sanglant