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Oh que les peuples artistes, les beaux méridionaux, les Romains, les Grecs, et tes fils bronzés, ardente Espagne, sont plus grands que nous, eux qui comprennent que les traits sont le miroir de l’âme et reflètent, dans leur expression rapide, les bons et les mauvais instincts qui nous agitent !

Les épiciers de mon village diront qu’ils m’ont vu très enfant, que je ne puis connaître la femme, que je sors du collège et qu’il faudrait me renvoyer à l’école. Mais honnêtes traitants, où donc l’avez-vous connue, la femme ? Par devant M. le Curé sans doute, la fille aux beaux écus sonnants, aux bons biens qui reluisent sous le soleil. Moi, j’appelle cette femme-là une affaire que vous avez faite. Et quels vertueux sentiments substituez-vous donc au divin amour ? Apparemment ceux dont les autorités vous permettent la manifestation publique et très morale et très démonstrative… Oh misère !


    certaines passions, et le plus laid s’illumine d’une céleste beauté sous l’impression de certaines autres. Selon les affinités des âmes ou leurs antipathies, tel visage plaît à l’un qui déplairait à tous les autres. Moi, je ne trouve d’absolument beau que le fat, d’absolument laid que le crétin. L’un vaut l’autre : tous deux me font horreur. Je comprends à la rigueur que Pygmalion s’extasie devant sa maîtresse d’albâtre ; du moins elle ne le fatigue pas de ses réflexions. Mais s’éprendre de la beauté des journaux de mode, du portrait vivant, marchant et de couleur fixe, c’est une déplorable infirmité. La beauté régulière, couperosée de santé, bouffie d’embonpoint, c’est l’impassibilité, la glace, la statue, la véritable laideur. — J’aime mieux un singe : chacun ses goûts !