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derrière ; il faut la saisir aux cheveux de devant. Ceux-là restent toujours aveugles qui ne raisonnent que sur le présent et sur le passé. L’homme voit clair seulement dans l’avenir. Les prophètes seuls disent vrai. L’intérêt éborgne les autres.


Quand elle fut en prison, elle y répandit une sueur de sang, y trempa sa plume et écrivit ce livre sublime, Heures de prison, qui ne sera pas compris de nos jours. Elle aima tant qu’elle sut pardonner à ses accusateurs, à ses parents, à ses juges, à ses gendarmes, à ses guichetiers, aux préfets, aux médecins, aux tourmenteurs, qui de temps à autre venaient la voir pour l’achever, à la féroce multitude enfin qui demandait sa mort !

Et cependant ses bourreaux l’achevèrent, ils la tuèrent jour 366 par jour, la brisèrent par morceaux, l’usèrent par ce mal chronique qui dissout l’être, le consume sans le refaire jamais, et s’appelle la Douleur, la Douleur !

… Ainsi joue le Destin, le destin homicide ! La Souffrance absout la Cruauté, le chien lèche le bras qui le frappe, le Martyr pardonne à la Persécution. Les justes sont assez forts pour se montrer indulgents !


« L’opprimé peut pardonner à l’oppresseur. L’oppresseur, lui, ne pardonne jamais à l’opprimé. C’est son remords vivant ; c’est le cri qui l’accuse ; c’est plus encore, c’est le pardon qui l’écrase sous son aumône de pitié. »