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… Et quand toutes ces tortures ne suffisent plus, on plonge les prisonniers dans des souterrains étroits, dans des boîtes de pierre, la tête dans les miasmes infects, les pieds dans leurs propres souillures, sans autre distraction que le bruit de leur cœur. — Ô Vengeance, Vengeance ! que je t’aime éveillée, rugissante, altérée, tout le long étendue, battant de ta queue tigrée les dalles des cachots ! !

… Et quand leur cœur parle encore, on les prive de nourriture, d’eau, de sommeil bienfaisant. On cherche à les dompter par les mêmes procédés qu’emploient contre les rois des déserts, devenus leurs esclaves, les misérables bateleurs de ménagerie. C’est alors que les gardiens se mettent en grand nombre pour les réduire ; il les saisissent au cou, serrent le nœud de leurs cravates, les étranglent, les frappent du pied et du poing, les étouffent sous leur poids de reptiles, ou les empoisonnent avec leur dard d’insectes venimeux. — Quand un homme libre a été froissé, mutilé de la sorte, dans sa personne et dans son honneur, il ne peut plus vivre que pour t’aimer. Vengeance la Belle, qui guéris les plaies des âmes mordues !

En prison, la plus grosse chaîne revient au plus indépendant ; la cellule, au plus sociable ; au plus méditateur, la promiscuité ; au plus studieux on défend le travail ; au plus aimant on interdit les visites de sa femme et de ses enfants.

Au contraire, pour les idiots, les traîtres et les lâches il y a de la viande, des vins et des liqueurs à gorger tous les soudards de France. La prison