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gras et les maigres, les cagots et les immondes, les barbus et les tondus, les calottés et les déchaussés ; tous ceux qu’ils font vivre, tous ceux qu’ils font mourir ! — Hallali ! !


L’Avenir portera la hache et la torche jusque dans les fondements des prisons ! — Ces oubliettes de la loi, ces cellules-tombes où les hommes enfouissent, vivants, les hommes leurs semblables !

Là, tout est solitude, silence, frayeur et froid. Ou si l’on entend des voix, ce sont celles de l’inquisiteur et de sa victime qui s’élèvent, tourmentées toutes deux, vers l’éternel tribunal du temps. Ainsi la flamme qui dévore et la cendre qu’elle emporte dans sa robe écarlate !

Le prisonnier est la chose de la loi, le jouet de la police ; aux mains du directeur et du geôlier, il est comme la souris entre les griffes du chat vorace !

Là, le plus libre heurte son front à quatre murs de pierre ; le plus aimant est séparé de tout ami ; le plus actif, retranché de la vie comme un membre inutile. Là, le plus robuste manque d’air, d’espace et de pain ; la vue des eaux, des cieux, des plaines et des montagnes y est interdite au poète. Là, le plus grand doit courber sa taille sous la porte d’entrée ; là, le plus noble voit son flanc saigner sous des piqûres d’épingle… Jamais Prométhée n’a tant souffert !

Là, tout est interprété, mouchardé, surpris, incriminé : les pas, les soupirs, la toux, le regard,