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bords crevassés de cette géhenne, les générations traîneront, l’une après l’autre, leurs cohortes plaintives. Chacune d’elles, en passant, jettera dans le creux des poignées de cendres humaines et plus les races seront avancées en âge, plus elles se rapprocheront du gouffre, mieux elles découvriront, sonderont ses profondeurs, plus elles imagineront de moyens pour le combler. De sorte qu’à mesure qu’elles prendront conscience plus certaine de leurs forces, elles se rendront aussi un compte plus exact des obstacles de la nature. D’où résulte encore que l’intelligence de l’individu se substituera de plus en plus à sa puissance corporelle dans la lutte engagée contre l’univers ; d’où résulte que l’homme deviendra de plus en plus sensible au bonheur comme à la souffrance ; d’où résulte qu’il durera moins et vivra plus.

Faites ainsi votre compte, médicastres qui vous occupez 33 d’hygiène et de bien-être ; ne cherchez pas à prolonger la durée moyenne de notre vie : ce serait un bien triste présent à nous faire ! Mais efforcez-vous de multiplier toutes nos impressions et rendez nos organes plus aptes à les percevoir. Ainsi vous augmenterez réellement la somme de nos jours !


Ah ! qu’il est sombre le gouffre où gisent les éternels problèmes ! Comme la pente en est glissante ! À qui la voit de haut comme elle paraît verte et fleurie ! Que d’efforts il faut faire pour ne pas s’y précipiter, bras tendus ! Silence des