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femmes, aux enfants, à tous les êtres qui aiment la Liberté, ma patronne chérie ; je m’attirerais ses poursuites si je voulais devancer les wagons infernaux qui portent les dépêches. Je connais la cruelle destinée des pigeons voyageurs, et je veux garder mon vol tout entier jusqu’à mon dernier jour. Je ne me charge donc que des baisers et des paroles d’amour envoyés aux proscrits. Et je t’apporte des uns et des autres plus que ne peut un oiseau de ma force.

— Sois bénie, coureuse aux grandes ailes, pour la Liberté, pour l’Amour et pour moi ! Que tes traversées soient heureuses ! Que ton nid soit conservé sous d’autres cieux tel que tu le laissas à la saison dernière ! Que les jeunes chasseurs ne te poursuivent point de leurs plombs meurtriers ! Que mes frères de l’exil se réjouissent de tes chants ! Que le monde nouveau te choisisse pour emblème de ses nouveaux étendards ! Et puisses-tu me rapporter, l’année prochaine, de joyeuses nouvelles de délivrance et de révolution !

— Le salpêtre a tonné ; le corbeau du Nord aiguise son bec contre ses frères, les porteurs de couronnes ; les chasseurs de l’Ukraine tendent leurs filets en Europe, en Asie ; dès le matin ils ont lancé par les champs leurs chiens et leurs cavales. Quand je m’en vais, le faucheur promène pour la dernière fois sa faulx dans les prairies, la feuille tombe, l’homme chancelle. Quand je reviens, le foin pousse de nouveau près des blés et des fleurs, les bourgeons traversent l’écorce des