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à toujours ; le Despotisme y consolide son trône dans l’humiliation ; la Guerre y promène ses épouvantements, et la Corruption ses saturnales.

— As-tu passé par la Bourgogne aux côtes d’or, par la fraîche Puisaye qui baigne ses pieds blancs dans les prairies humides ? As-tu remarqué, dans les massifs de chênes et de marsaules une maison toute neuve caressée par les vents ? Que faisait-on par là ?

— J’ai passé dans tous ces lieux ; j’ai compté les clochers qui reluisent, les milliers de villes et villages qui dorment sur les bords des rivières paresseuses. J’ai vu bien des femmes, bien des enfants pleurer leurs pères, leurs fils, leurs amants et leurs frères, exilés, emprisonnés. Devant la maison que tu veux dire, se trouve un balcon où je me suis posée. Le jour pointait à peine, et déjà cependant, auprès de la fenêtre, était assise une mère qui pensait à sa fille, et le lui écrivait. Dans la prairie voisine, les 14 jeunes poulains bondissaient autour des cavales, et la pauvre mère les regardait en soupirant !

— Hirondelle ! hirondelle ! que ne lui disais-tu tes projets de voyage ? Et puisque tu venais dans le pays des glaciers et des lacs, dans la Savoie qu’elle aime, que ne lui demandais-tu ses messages ?

— Je l’ai dit. À mon aile rapide elle a voulu suspendre un souvenir pour vous. Mais je l’ai refusé. Le pouvoir en France est ombrageux et lâche ; il fait une guerre mortelle aux hommes, aux