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magination des artistes, de leur faire produire des chefs-d’œuvre par l’amour, de n’accorder leurs faveurs qu’aux hommes de génie. Elles lisent, méditent, étudient, songent ; elles se prennent d’enthousiasme pour les 270 strophes d’un poète, les mélodies d’un compositeur ou les tableaux d’un peintre ; elles se font un idéal. Et reines de la grâce, elles admettent au milieu d’elles les rois du génie, leur accordent leur admiration, leur promettent leur amour, et leur ouvrent le ciel, avec leurs bras, quand elles les en jugent dignes dans l’ivresse de leurs cœurs !

— Aujourd’hui, sur la terre, tout est contre nature. La beauté physique est accouplée souvent à la laideur morale, souvent le talent se cache sous des dehors sans grâce. Cela ne sera plus dans les âges futurs. Car la laideur physique et la simplicité d’esprit sont de création sociale ; elles résultent d’unions disproportionnées trop fécondes hélas, d’éducations vicieuses, de préjugés déplorables et tenaces, de la division de l’humanité par castes et fortunes ; déjà l’être est déformé dès les reins de son père, dès le sein de sa mère ; ensuite nos mœurs achèvent de l’enlaidir.

Mais dans un monde harmonique on ne verra plus un homme remarquable par l’intelligence qui n’ait sa beauté, la beauté de son âme, se reflétant sur sa face ; on ne verra plus une femme extérieurement belle qui n’ait de même sa grandeur morale. Chaque visage prendra l’expression qui répond à ses traits, et chaque caractère le