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de leurs corolles ; quand l’oiseau bienheureux chantait sur les palmiers ; quand le poisson doré s’élançait hors des ondes ; quand les jeunes filles étaient aux balcons…

» Quand tu les voyais au bras des vaniteux et que tu passais triste ! Et que pas une ne t’avait deviné, et que pas une n’avait su te dire : console-toi, don Miguel Cervantes de Saâvedra, verse dans nos cheveux tes larmes précieuses. Car nous t’aimons, nous 247 femmes, nous t’admirons, nous t’adorons ! Et toujours l’avenir confirme les prédictions de notre cœur.

» Quand pas un ange ne te gardait, Miguel !… que tu devais souffrir !


» Oh ! coupables les femmes qui laissent s’éteindre, dans l’abandon, des âmes si grandes ! Coupable Laura ! Coupable Léonore ! Mais ils sont rares sur terre les Petrarca, les Tasso ! Mais il n’y a qu’un Cervantes au monde !

» Mais quand de semblables mortels daignent vous élever jusqu’à leur cœur, princesses ou grandes dames ; quand ils perdent pour vous des heures d’un prix inestimable ; quand ils transmettent à la postérité vos noms insignifiants avec leurs noms illustres…

» Vous devriez pleurer, vous qui n’avez rien qu’un cœur et une intelligence ordinaires pour les sauver et les comprendre. Vous devriez gémir, et racheter par une tendresse infinie l’imperfection de vos natures !