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» L’agneau, c’est le peuple, le bon peuple que le pouvoir tond, dépèce, vend, achète, pèse, repèse, soupèse, appaise comme il veut ; le peuple pascal dont les gouvernants boivent et mangent le sang et la chair sous prétexte de communier au plus grand avantage de tous ; le peuple badaud, perroquet et singe qui bâille, s’attroupe, s’étouffe, épaule contre épaule, poitrine contre poitrine et ne reconnaît jamais le chemin des abattoirs.

» Le chien, c’est l’homme de parti qui gambade, aboie, flatte, 230 lèche, sait ramper et mordre à propos, le valet qui fait beaucoup de bruit et peu de travail. Il pousse l’homme d’audace aux entreprises difficiles, et quand vient le moment du danger, il ne se défend pas et disparaît en hurlant.

» Tu as blessé le Corbeau, tu lui as fait lâcher sa proie, tu t’es passé des chiens qui n’osaient le saisir ; bientôt tu vas l’atteindre. Comprends-tu que ta chasse n’a pas été mauvaise et que tu dois une belle amorce à ce grand Saint-Hubert, le Dieu des bonnes gens ? Comprends-tu qu’il vaut mieux disséquer les vivants que les morts, les mauvais que les bons et les rois que les pauvres ? Comprends-tu qu’il est plus utile d’étudier la science sociale que l’anatomie ?


» Il faut rester toi-même, persister dans la tâche entreprise, ne pas te préoccuper des chasseurs qui s’acharnent sur une proie plus facile et moins coupable. S’ils te disent que tu n’as rien à ga-