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sauge amère sur les rives de l’Èbre impétueux. Aujourd’hui le voilà qui beugle dans l’arène. Il est fier de sa devise, de son poil luisant, de son large poitrail. Ses grands yeux pleins de bravoure ne font pas plus peur à nos filles que ceux de leurs novios. — Ole !

« Le taureau, le beau taureau, le taureau roux se précipite sur les épées brillantes, comme le guerrier téméraire sur les multitudes ennemies. La mort l’attend. Les mules au dos patient emporteront sa dépouille. Ainsi les domestiques obséquieux font valoir leurs services quand les vaillants sont morts. — Ole !


« Maintenant la sueur découle de vos fronts, vous n’avez plus d’haleine. Allez vous étendre sur les fleurs des prairies ou dans les coupes de marbre des fontaines. C’est la saison des fruits délicieux, des pêches de Sarragosse, des chufas de Valencia, des sandias aqueuses ; les eaux glacées courent sous les platanes. Rêvez en plein soleil comme des chattes voluptueuses : c’est ainsi qu’on rêve en Espagne. Du bout de vos doigts effilés prenez l’azucarille et jouez avec en le plongeant dans l’eau… Moi je chanterai :


II


212 « Je chante, je chante… Et pourtant je suis privé de la lumière des cieux !

« Oh ! donnez, donnez au pauvre ciego !