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Pour briller un instant sur cet étroit théâtre, que de gens ont jeûné bien des jours ! Que de privations a coûté ce flamboyant havane, précieusement fumé ! Que de nettoyages a subis cette paire de gants ! Combien de calculs économiques il a fallu pour devenir propriétaire de ces breloques ! Que d’impatiences pour 196 la pose correcte de ce faux-col et la coupe irréprochable de ce pantalon !


— J’ai toujours vivement désiré me rendre compte, par examen direct, de la quantité de cervelle que pourrait bien contenir la première venue de ces boîtes à futilités qu’ils appellent des têtes. Mais le moyen de se procurer un bourgeois mort ?! De nos jours on échappe à la dissection comme aux autres misères, avec l’argent ! À l’amphithéâtre des hôpitaux, le bourgeois est inconnu, comme le lapin de garenne, sur les tables classiques des empoisonneurs du Quartier-Latin. —


Mon Dieu ! si elle pouvait penser, comme elle se ferait honte cette société parcimonieuse et mendiante dont la parure s’achète aux dépens de l’estomac. Imbéciles, serrez-vous le ventre pour donner du foin au cheval qui vous cassera le cou ! Rampez chaque jour pour vous redresser le dimanche dans quelque voiture de louage ! Que vos femmes se montrent nues aux vieillards afin qu’ils aient pitié d’elles et couvrent de soieries leur misère effrontée.

Marionnettes vivantes ! voyez cet homme étendu dans le fossé ; il vaut mieux que vous, car il est