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allait bientôt la reprendre et où elle reste encore aujourd’hui. Cœurderoy a bien dû envisager cette solution lui-même ; mais la foi dans la puissance collective du prolétariat lui manqua.

Vers cette époque, il crut rencontrer en Alexandre Herzen un partisan du renouvellement de l’Occident par l’Orient russe. Après un échange de courtes lettres et de publications, Herzen reçut une longue lettre (Santander, 27 mai [1854]) qu’on trouve dans ses Œuvres posthumes, livre russe publié à Genève en 1870 [pp. 104-107, texte français) ; Cœurderoy discute « le moyen d’exécution générale de la civilisation occidentale » ; « moi j’aime même voir le Despotisme se charger de cette odieuse tâche de fossoyeur ». Herzen, dont les Mémoires sur les années de réaction qui suivirent 1848 contiennent tant de pages d’une si belle hardiesse, se trompa néanmoins sur la valeur de Cœurderoy, qui lui parut un excentrique ; il le savait en outre l’enfant terrible de ses amis, les grands chefs de la révolution européenne. En tout cas, la correspondance n’eut pas de suite, ce qui est bien dommage ; il eût été facile à Herzen de détromper Cœurderoy sur tant de questions concernant la réalité russe qu’il ignorait si absolument. Il est curieux de se figurer l’accueil chaleureux que Bakounine eût peut-être fait au jeune enthousiaste ; mais, après tout, soyons contents que personne n’ait exercé une