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Inexorable marâtre, nature avare, seras-tu sourde aux prières 190 du laboureur, aux mugissements des taureaux, au désespoir des oiseaux et des plantes ? N’entendras-tu pas ma voix ?


Je respire du soufre et de la braise. Je donnerais ma vie pour une goutte de pluie, pour un roulement de tonnerre. Vents tout-puissants, ne pouvez-vous rompre vos chaînes ? Orages et tempêtes, n’éteindrez-vous pas cette averse de feu ?

Heureux les pêcheurs, qui vivent sur les flots ! Heureux l’Anglais, le Norwégien aux yeux bleus, tous les hommes blonds qui travaillent sous des cieux assombris ! Ici le crâne est vide, la pensée difficile, le sommeil interdit, le bras sans force ; ici le cœur engourdi semble près de défaillir !


Quand je feuilletais les premières pages du livre de l’existence, quand je les dévorais avec la même avidité que l’étudiant met à parcourir l’introduction de l’ouvrage qu’il maudira plus tard, quand j’étais enfant, jamais je n’aurais cru qu’on se fatiguât des caresses du soleil.

Jamais je n’aurais pensé qu’on pût adresser à la nature ces reproches amers : tu es toujours trop belle, trop parée, courtisane sans pudeur, avide des flatteries du public. Prends le deuil, parce que je suis triste, moi seul qui sais t’aimer. Plus vite, plus vite blanchis mes cheveux, rends terne ma prunelle, et toi-même, pour en finir, penche-toi, penche-toi sur tes volcans en feu ! Afin que nous