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II


Écoutez et voyez ! — Les clairons retentissent. Le très excellent ayuntamiento occupe, au centre du cirque, sa tribune réservée que pavoisent les couleurs d’Espagne, or et pourpre. L’arène est immense. Glorieux Amphytrion des fêtes du midi, le soleil étincèle sur les amphithéâtres qui regorgent de spectateurs. Pas une place vide, pas une figure attristée. Que de luxe ! Quelle profusion de fraîches couleurs sur ces parures de fées ! Que de parasols et d’éventails gracieusement agités ! Que de fruits d’or dans les mains des enfants ! Que de soie, de diamants, de blanc et d’écarlate !

C’est une impatience, un délire, un enthousiasme, un tonnerre d’exclamations bruyantes, une joie, une folie qu’on ne retrouve nulle part ; c’est de la frénésie. La fièvre parcourt cette enceinte aussi rapidement que le ferait une secousse électrique. Qui pourrait redire les conversations, les proverbes, les saillies lancées au hasard, à propos de tous les détails sérieux ou insignifiants de ce drame ?

Pour le tenter, il faudrait se sentir animé de cette verve castillane si pleine d’ironie et d’à propos ; il faudrait posséder la science tauromachique. Il faudrait surtout être initié à tous les secrets de cette langue si expressive, si élégante, si riche, si souple, si musicale, qu’il semble qu’on ne puisse plus en parler d’autre lorsqu’on l’a en-