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ce monde et moi j’ai mis des flots, des flots et puis des flots encore. Plus de loi sur mon âme, plus d’habits sur mon corps. Là-bas, sur le rivage j’ai laissé tout cela.

Salut ! ô Liberté. Je suis seul avec toi. L’immensité m’entoure. Sur ma tête brille le dôme du ciel, sous mon corps gronde l’abîme des eaux. Mes pieds ont quitté le sol ; je me suis délivré de l’attitude verticale qui rapprochait mes yeux des yeux de mon semblable, toujours jaloux. Je suis tout de mon long, étendu sur le lac, contemplant face à face les solitudes sublimes, l’infini des airs et l’aile rose des nuits d’été.

Salut ! ô Liberté. Sous la voûte étoilée je vois passer la Lune. Vers son orbe riant mon âme s’élance, pareille à l’alouette qui mire ses yeux vifs dans un prisme glacé. Mon âme devient l’âme de la nature, mon corps se confond avec l’eau, mes cheveux sont les joncs, mes dents sont les rochers, mon souffle c’est la brise. Sur l’univers, sur l’éternelle durée, sur les harmonies 97 mystérieuses mes contemplations s’étendent avec la douce lueur qui couvre tout.


Ô Terre, triste cachot, tripot où l’on s’égorge sous prétexte de vivre : je connais tes intrigues, je te prends en pitié ! Tourne, globe maudit, dans le sang, dans la poix, dans la fange et dans l’or ! Tourne, roule, bondis sur ton axe enflammé ! Que le sable de tes déserts, la glace de tes pôles, les flots de lave de tes volcans pleuvent comme la