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dégoûter de l’amour ; quant à la liberté, la dignité, l’honneur, il n’en est plus dans ce pays octogénaire. S’il y reste une nature franche et 94 loyale, elle est bientôt étouffée par la bassesse et l’intrigue, comme l’épi de blé dans un champ d’herbes folles.

Aussi je ne regrette point ma contrée de baptême. Je l’ai quittée pour l’exil comme pour un long voyage dont le terme m’importait peu. En passant ses frontières, je n’ai point attaché de crêpe à mon chapeau ; j’ai préféré me dire citoyen de l’univers.


Mais toi, nature de gloire et d’amour, ô ma belle Helvétie, je veux garder ton souvenir jusqu’à mon dernier jour.

Pourtant je sais ce que tu vaux aujourd’hui. Je sais que tes gouvernants sont traîtres et lâches, que tes propriétaires sont avares et durs au pauvre, que tes femmes sont prudes et perfides. Mais je t’ai vue du sommet de Grütli, tu as enflammé mon cœur du saint amour de la Liberté qui ne s’éteint plus. Et je t’aime, et ton glorieux passé m’a révélé ton splendide avenir.


II

Il ne me reste plus qu’une heure à passer dans ces vallées paisibles. Rivages du Léman, vers vous se dirigent mes pensées et mes pas ! Certainement