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Qu’il aille, ce livre !

Par les écrivassiers, écrivailleurs, classiques, critiques, didactiques, journalistes, moralistes, puristes, scribes et pharisiens je le sens commenté, matagrabolisé. J’entends d’ici leurs plumes irritantes, criantes qui l’annotent, l’écorchent, le noircissent, le salissent avec rage. Je vois les chefs de parti fainéants, envieux, se signer quand ils en parlent, l’exorciser, le dénaturer, le hacher pour le servir en toasts à leurs prétoriens qui leur crieront bravo !


Qu’il aille, ce livre !

Je ne saurais donner une idée du travail, des rêves, des découragements et des jouissances qu’il m’a coûtés. — Mais les hommes perspicaces y découvriront sans peine bien des cicatrices à peine fermées, bien des germes d’espérance, bien des illusions couchées le long des lignes, bien des projets qui s’appuient sur elles pour s’élancer, joyeux, dans le vaste futur.


Qu’il aille maintenant, ce livre !

Je me donne avec lui. — Comme lui je vais passer par bien des mains : mains brunes ou blanches, amies ou ennemies, propres ou crasseuses, maigres ou potelées ; fines mains de jolies femmes, mains adroites de couturières, mains calleuses d’ouvriers, mains noircies de Zoïles, mains rapaces d’usuriers, mains à engelures de bourgeois.