Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/147

Cette page a été validée par deux contributeurs.

grain ne lève pas dans les terres mauvaises, creusées par les insectes sans ailes, les taupes aveugles, les fourmis peu prêteuses, les lapins rongeurs, les animaux voraces, avares et rampants.

Ainsi moi, sur le champ social troué par les bourgeois, épuisé, sec, aride, j’appelle les laboureurs du Nord, les barbares aux longues lances qui creusent les sillons avec des bombes, qui leur font boire du sang et manger des cadavres. Je les convie, pour le salut des hommes, à brûler, herser, détruire, droit devant eux, toutes les richesses et toutes les misères de l’Occident.

Slaves, mes frères, au fond des steppes où l’on vous a parqués, ne restez pas sans vie comme une race déchue ! Relevez-vous ! Marchez, galopez, bondissez sur vos libres cavales ! Rassemblez-vous, hurlez, exigez qu’on vous guide aux rivages des mers où croissent la vigne, l’olive et les beaux fruits !

Et moi j’applaudirai. Moi j’écouterai vos clairons de combat depuis la solitude où j’épie l’avenir. Car mon âme se consume de langueur dans l’étroite enceinte du présent ; car tout m’irrite, me blesse, me désole en Civilisation ; je ne puis y réaliser le moindre de mes rêves sans de grandes souffrances. Tout m’y paraît sans éclat, sans parfum, sans attrait, sans beauté, sans honneur, sans grandeur. Elle-même, la Poésie n’égare que des reflets plus pâles que la lune dans les nécropoles modernes.

Et tout autour de moi, les meilleurs êtres souf-