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Je soutiens qu’il n’y a pas en France un seul écrivain libre aujourd’hui. Je soutiens qu’un homme de lettres est esclave dès qu’il ne peut dire tout ce qu’il veut, sur tout ce qu’il veut, quand il le veut. Je prétends qu’un publiciste ne se respecte pas lui-même, je prétends qu’il se rend méprisable à tous quand il qualifie de grandesses, altesses, majestés, vertus, courages et splendeurs tout ce qu’on nomme en tous lieux et en tous temps aventuriers, histrions, ramassis, faiseurs de passes-passes, artisans d’escroqueries, de bassesses, de noirceurs, de massacres et de trahisons. J’affirme qu’il est plus prostitué que la plus malheureuse des filles, l’homme qui doit se taire même sur les hauts faits du deux-Décembre, même sur les tristes héros qui commirent ce brigandage couronné de succès ! Oui, prostitué de Bonaparte, complice de Bonaparte, sujet, valet de Bonaparte, quiconque appelle Empereur ce jésuite assassin !

Ah ! vous pouvez sourire et détourner la tête ! Vous pouvez dire que toutes ces injures sont rebattues et ne sauraient vous atteindre ! Vous pouvez ajouter que l’or des couronnes cache toute laideur, que l’huile d’un sacre purifie de toute souillure, que les plus épouvantables crimes se dérobent facilement derrière le voile des baïonnettes, et qu’on ferme la bouche des mécontents avec une pièce à l’effigie de qui que ce soit…

Moi je maintiens que non, la main sur l’histoire. Je maintiens que vous êtes au-dessous des plus prostrés, que vous rampez sur un plan inférieur