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Papineau

traités. Ils ont réduit à néant l’œuvre de nos pères !…

L’apparition du journal de Bédard, Le Canadien, coïncide avec l’éveil de la pensée nationale. Cette feuille fut fondée pour combattre Cary et son Mercury, le premier journal francophobe, dont Toronto a continué la tradition. Le Canadien devint la bête noire des bureaucrates, au point qu’on prit le parti de le supprimer. « Rien de nouveau sous le soleil ». Le même procédé radical a cours sous les gouvernements libéral ou conservateur, comme s’il était plus au pouvoir des hommes d’étouffer la pensée que d’éteindre les rayons du soleil. Après le journal de Du Calvet tué dans l’œuf par le despotisme anglais, ce fut le journal de Bédard dont les presses furent saisies et brisées, croyant qu’en écrasant la chenille, on tuait aussi le papillon. Mais dix ans plus tard, le fils le ressuscitait plus vibrant, plus hardi encore. Le phénix encore une fois était né des ses cendres. Le juge de Bonne, un créchard célèbre sans être un personnage célèbre, avait tenu un des bouts de la corde qui avait étranglé le Canadien. Il eut la douleur de le voir revivre, non pas pour la tranquillité de ses jours, car le journal s’employa à taquiner la bureaucratie. Pour venger et écouler sa bile, il fonda le Courrier, dont chaque article était une glose au gouvernement arbitraire de son pays et une génuflexion devant le désordre établi. De Bonne fut avec Gugy les deux constitutionnels les plus militants de l’époque. Ce dernier ne manquait ni de ressources ni de talent. Suisse de naissance, comme la plupart des étrangers qui s’implantent au pays, au lieu de faire cause commune avec les Canadiens-français, il préféra se mettre du côté du manche.

Sans prôner la valeur littéraire du Canadien, il y circule une flamme qu’on ne trouve pas en d’autres journaux mieux rédigés. Il faut apporter quelques restrictions à l’opinion généralement admise dans certain cercle mal pensant, qu’il n’y a dans les productions de la pensée humaine que la forme qui soit digne de fixer notre attention. Il y a des orfèvres qui cisèlent des fleurs d’argent ou d’or avec une perfection tenant du miracle. Je leur préfère les vraies fleurs qui poussent dans