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Retour de l’exil

claquements de mains, un effleurement de doigts parcheminés !… Papineau hors de lui, essoufflé, écroulé dans son impuissance se dit :

« C’est fini, je suis trop vieux !… Ma vie est coulée ! »

Non, ce n’était pas Papineau qui avait vieilli. Sa voix, plus lointaine peut-être, avait gagné en douceur, en volonté, avec des notes grêles de clavecin qui perçaient. Son regard moins autoritaire, était plus attendri ; il se voilait d’une brume légère. Il sautait peut-être moins lestement les degrés de l’estrade où se trouvait la tribune ; mais son enthousiasme avait toujours vingt ans. Étaient-ce bien les révolutionnaires, ces messieurs rigides ? S’il s’attendait à trouver les Cartier, les Lafontaine, les Viger, les Nelson et toute la pléiade avec ces têtes de Méduse !… Il ne reconnaissait plus dans ces bourgeois compassés, l’air gourmé, quelques-uns déjà affligés du flegme britannique, les fougueux insurgés qu’il avait laissés ! Il se demandait s’il ne rêvait pas, si c’étaient bien ses collègues, ces hommes vêtus en complets de tweed anglais, qui le regardaient comme un revenant, lui, plus vivant qu’eux tous ! Il sentit qu’il n’y avait plus rien de commun entre ces opportunistes ralliés aux impérialistes et le chef révolutionnaire resté fidèle à ses principes. Ses harangues à l’emporte-pièce, d’une large exubérance, paraissaient démodées parmi ces discours d’une forme parlementaire étroite, qui économisait l’étoffe. Il se faisait l’effet d’une dame en crinoline qui tomberait un jour de réception dans une société d’élégantes en robes fourreaux. L’ampleur de ses phrases à falbalas lui faisait honte.

Ah ! c’était bien Papineau qui alimentait de sa flamme ces froids satellites. Lui parti, ils s’étaient soudain glacés et éteints. Quand on voulut lui faire signer le pacte de la Confédération, il partit de la Chambre en faisant claquer les portes. Ce geste termine sa carrière, il est dans la vérité de sa vie. On ne voit pas Papineau pactiser avec les arrivistes qui s’étaient débarrassés comme un lest encombrant des principes pour lesquels ils avaient combattu depuis toujours…

Il se retira dans son manoir de Montebello, solitude om-