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Papineau en exil

avait couronné leur œuvre, au lieu d’être des rebelles, ce seraient des sauveurs. Ces désolantes considérations, qui assombrirent les derniers moments de DeLorimier, hantaient l’esprit de Papineau. Mais pourtant, à cette heure ultime, le rideau qui nous voile l’avenir devait se déchirer devant ses yeux pour qu’il entrevît l’apothéose dernière !

Ces hommes ont été vaincus par la mort, mais à leur tour, ils ont vaincu le mauvais sort acharné sur leur patrie. Il ne faut pas faire de restrictions dans notre reconnaissance, ni établir d’outrageantes comparaisons entre ceux qui moururent pour la patrie, et ceux qu’un hasard pitoyable a tirés des serres de l’oiseau de proie. Celui qui consacre sa vie entière à une œuvre de libération est l’égal de celui qui a donné son sang pour en faire une bienfaisante réalité. Les exilés des Bermudes ont mérité de la patrie tout autant que ceux qui sont montés sur l’échafaud. Tous ont couru les mêmes risques, le martyr des uns a duré quelques heures, celui des autres a tenaillé toute leur existence.

Les hommes font la révolution mais, en retour, la révolution fait les hommes. Qu’elle les dévore après l’œuvre accomplie, c’est dans sa logique qui nous semble illogique comme bien d’autres choses dans le monde, entre autres la mort et l’inégalité des conditions. Cependant tous ces héros de l’action et de l’esprit seraient déjà perdus dans l’oubli au lendemain d’un mouvement avorté, mais dont les conséquences ont été infinies pour nous, si quelques écrivains n’avaient entrepris de les sauver du néant. Ils furent hélas ! trop vengés de l’indifférence des premières années par l’abus qu’on a fait ensuite de leur auréole. Tous ont ensuite tiré sur leur gloire sans vergogne. Le politicien véreux, le démagogue imprudent, l’agioteur sans scrupule se drapent dans leur pourpre pour jouer le rôle des pères nobles. Papineau du moins a échappé à cet outrage. Sa cotte de maille et son casque étaient trop lourds pour les aigrefins d’aujourd’hui ! Nos pygmées se seraient perdus dans l’ampleur de sa toge. Mieux valait laisser son spectre aux oubliettes que de lui imposer nos mascarades. N’en disons