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La Révolution Canadienne

cipation de ses représentants. Québec s’alarmait avec raison et entretenait par des articles passionnés le mécontentement général qui se traduisait par une hostilité sourde contre les tyranneaux. Les Canadiens réalisaient la gravité de l’heure. Ils ne pouvaient, sans humilier la fierté nationale, remettre à des étrangers l’administration de leurs affaires et la manipulation de leur argent. Cette abdication de leurs droits les plus élémentaires entraînait fatalement l’abaissement de la race, c’est ce que ne veulent pas comprendre les détracteurs de la révolution.

Jamais l’âme canadienne ne fut consciente comme à ce moment de ce que lui réservait l’avenir, si elle ne s’insurgeait pas contre la volonté anglaise, dont l’étau se resserrait pour l’étouffer. Jamais, à aucune époque de notre histoire, de si puissantes émotions ne se sont déchaînées en elle. Labourée jusqu’en ses profondeurs, fouettée de souffles impétueux, elle ne pouvait plus se contenir dans les bornes de la prudence et de la modération. Les orateurs populaires lui citaient l’exemple des États-Unis, reconquis à la liberté par un effort d’énergie, celui de la France qui se débarrassait violemment de la tyrannie séculaire. Devant cette émancipation universelle, comment les Canadiens seraient-ils restés calmes, quand ils avaient plus de motifs que tous pour se révolter ? Eux aussi voulaient boire le verre de sang libérateur. Il est évident que pendant ces crises d’exaltation, la volonté d’un peuple perd l’harmonie de son fonctionnement normal et procède par impulsions brusques qui donnent l’impression d’une force déréglée. Mais ces mouvements, comme ceux de la marée et des astres, sont ordonnés par une puissance invisible, sinon par la fatalité. C’est l’activité féconde d’un peuple qui veut se libérer de ses entraves. Ce qu’on appelle folie collective n’est que l’excès d’une vitalité supérieure qui veut se creuser un lit, par le fracas de son torrent. Qu’elle est riche cette sève qui bout alors dans les veines de notre jeune nation ! Mais nos « petits vieux » s’offusquent de cette exubérance et s’affligent de ce rebondissement inespéré de notre race. Ils aimeraient