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Papineau

rasme notre province exténuée et appauvrie. Cet aréopage s’était approprié la garde des traditions la conservation de la langue et la surveillance de l’instruction publique. Ils s’employaient à activer le feu sacré sur lequel l’haleine glacée de bouches invisibles soufflait pour l’éteindre. Ils attirèrent sur leur groupe l’attention de l’Europe et de l’Angleterre et entretenaient une correspondance suivie avec les plus grands politiques du temps. Grâce aux périodiques français et anglais, servis régulièrement, ils se tenaient dans le mouvement des idées. Pour ces gens isolés des centres intellectuels, ce fut un bonheur inespéré que de recevoir de tous les points du globe la dernière expression de la science et le dernier mot de la critique. Les journaux tendancieux comme « Le Semeur canadien », « Le Moniteur canadien », « Le Witness » n’étaient pas exclus de l’Institut canadien, où toutes les opinions étaient libres : on aimait entendre les deux sons de la cloche. C’est ainsi que ses membres purent étudier les sciences sociales et politiques, et se mettre au courant des différentes sortes de gouvernements. L’action de la révolution canadienne fut aussi parfaite par l’Institut. Né au lendemain des troubles de 37-38, il arrivait à point pour coordonner le chaos et dégager un peu de lumière des ténèbres. Ses membres s’attelèrent donc à la tâche difficile de la refonte de la constitution. Pour commencer, ils sapèrent dans ses bases l’inique projet d’Union. On peut dire avec certitude que c’est là que se forgèrent les tables de la loi future. C’est par cette force collective de cent hommes de bonne volonté et de savoir que le char de l’État fut tiré de l’impasse où il se trouvait acculé.

Et penser qu’il n’y a nulle part une plaque commémorative pour nous rappeler l’édifice où se réunissaient ces patriotes éclairés, pour travailler parfois jusqu’au matin à une œuvre qui ne porte pas leur signature, mais n’en a pas moins une durée éternelle. C’est là que se rédigeaient en collaboration les articles du Pays et de L’Avenir, dont l’opinion anglaise et Américaine se préoccupaient. Toute la vie de la nation se trouvait concentrée dans ce groupe, qui était le cerveau du Canada.