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vant un temple, vide de son dieu.

Ce fut cependant le privilège de Papineau de porter en lui tout un monde et de personnifier un siècle. Il a lui aussi sa légende, et comme elle est nécessaire !

« Avoir une tête de Papineau » fut l’expression traditionnelle pour désigner une intelligence transcendante. Malgré l’oubli systématique de nos gouvernements, le souvenir de Papineau demeure parmi nous. C’était en trente-sept un jeune homme bouillant, révolutionnaire par instinct littéraire, doué d’un étrange magnétisme qui le rendait maître des foules. Toute son ardeur était concentrée dans ses yeux, comme son énergie dans ses cheveux hérissés en crête de coq gaulois où des courants électriques semblaient passer. Il eut l’avantage de naître avec des dons rares, précieux, fécondés par l’étude. D’une franchise audacieuse, à l’emporte-pièce, il reprochait à Garneau que sa sensibilité rendait hésitant, d’avoir transigé avec la vérité historique. Le seigneur de Montebello fut un politique combatif et conquérant. Il eut l’impatience de tous les jougs. Dans ce cerveau seul pouvait germer le plan génial de tenter la libération de sa race avec une poignée d’hommes. Cette folie, comme on l’appelle aujourd’hui, ce coup d’audace digne d’un Pompée, d’un Guillaume Tell ou d’un Foch, c’est le miracle du patriotisme. Le grand cœur de cet homme a plus fait pour son pays que des armées et des flottes. En prononçant le nom de Papineau, je ne sais pourquoi, je sens chanter en moi la grave et religieuse symphonie des cloches dans les chants du crépuscule de Hugo :

Écho du ciel placé près de la terre,