Page:Côté - Papineau, son influence sur la pensée canadienne, 1924.djvu/103

Cette page a été validée par deux contributeurs.
88
Papineau

patentes en récompense de leurs mauvais services. Enfin, par la pente naturelle des passions humaines, la prise à partie s’étendit à tous les financiers anglais, parmi lesquels on en trouvait certainement d’honnêtes, ne serait-ce que pour confirmer par cette exception la règle générale qui voulait que tous les importés fussent des gibiers de prison et de potence.

Une furie de soupçon sévit et les plus hauts dignitaires de la couronne furent mis en cause et presque tous convaincus de péculat. Le cercle des revendications s’agrandissait sans cesse au point qu’on avait l’impression d’habiter une forêt de Bondy. Il faut voir dans les journaux patriotes avec quelle désinvolture ces tyranneaux dévalisaient. Quand ils voulaient du lard pour leur hiver, ils assaillaient la demeure d’un habitant ou se faisaient donner au bout du fusil leur provision pour la dure saison. Ils ne se gênaient guère non plus pour cueillir les tendrons qui leur plaisaient.

En le disant, ce qu’on appelait le mal de la Baie Saint-Paul se répandit comme une traînée de poudre à canon, corrosive et meurtrière, dans plusieurs campagnes. « Ils n’en mourraient pas tous, mais tous étaient frappés », depuis les enfants à la mamelle, jusqu’aux citoyens les plus graves. Les écoliers, pas plus que les marguilliers, n’en furent pas exempts. Le gouvernement fit une enquête et distribua gratuitement des drogues pour enrayer la marche du fléau.

Ces gens qui ne voulaient pas la révolution étaient bien stupides, elle était la conclusion logique de leurs mesures abusives. Quand nos délégués vinrent en conférence avec les ministres à Londres, ils constatèrent qu’on ne nous avait pas envoyé le dessus du panier. Ce n’était pas des doublures des Pelham, des Rockingham, des Bedford, des Greenville, des Pitt, des Chatham, des Fox, des Sheridan qu’on nous avait envoyées ici, car ces grands libéraux, en même temps qu’ils rendirent des services signalés à leur pays, ont servi la cause de l’humanité. À part Murray, Dorchester, Elgin et quelques autres, quels butors on nous a dépêchés ! Cette lettre de Pierre du Calvet le dit assez.