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la terre ancestrale

terre, le maître par droit de descendance et d’héritage incontesté. Elle faisait corps avec lui ; dans son esprit elle prenait figure d’être animé ; intérieurement il lui parlait, pendant que ses yeux lui manifestaient son idolâtrie. On eut autant surpris cet homme en lui demandant de vendre son bien, qu’en lui ordonnant de décrocher une étoile. Que ce patrimoine ne dût jamais sortir de sa famille, c’était une vérité aussi incontestable que la marche régulière des années. Les siens, ses ancêtres, autre objet de sa vénération, lignée à l’honneur sans tache, étaient tous restés fidèles à leur domaine comme le fleuve à son cours.

Bientôt il atteignit le sommet de la côte. Le soleil, se rapprochant des montagnes, paraissait accélérer sa course. L’astre, bas sur l’horizon, étendait, sur toute la largeur du fleuve, une bande lumineuse et aveuglante. Malgré la mer calme, l’eau, sous ces reflets flamboyants, semblait bouillonner ; on eût dit une traînée d’or en ébullition.

Le vieil agriculteur put alors contempler une plus vaste étendue de ses champs ; puis ses bâtisses, toutes propres, dénotant l’aisance du maître. Aussitôt il entendit la voix de son épouse ; elle appelait les vaches pour la traite. Une vraie femme, celle-là, une femme qui, en acceptant son homme, avait épousé aussi son amour pour l’héritage des vieux. Il vit en même temps son Adèle,