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la terre ancestrale

— On dit qu’à ne rien faire, on ne perd pas de force, expliqua Hubert ; alors on peut vivre plus longtemps sans manger. Ainsi, je suis tenté de dormir toute la journée. Par malheur, je n’ai que des songes de famine. Il me vient une idée : si je buvais de l’eau ; il y a quelque nourriture là-dedans. Un gallon à la fois, par exemple : je me sentirais au moins le creux de l’estomac bouché. Je vais commencer, même au risque de mourir noyé ; on dit que c’est la mort la plus silencieuse. Dans une maison où chacun se fâche quand on l’éveille pendant qu’il cuve son vin, une telle mort a son utilité.

— As-tu des nouvelles de chez vous ? demanda Morin.

— Non, je n’ai pas même écrit. J’ai bien essayé l’autre jour, mais les idées ne me venaient pas ; je ne pensais qu’au porc frais et aux volailles rôties. Quand je me suis aperçu de ma distraction, j’avais mangé la moitié du manche de ma plume.

— J’ai reçu des nouvelles du père, moi.

— Il ne t’a pas envoyé de victuailles avec la lettre ? s’enquit Rioux.

— Non, il dit qu’ils vont tous bien.

— C’est qu’ils ont le corps plein. Quand tu lui écriras, recommande-lui de ne pas jeter aux cochons les bidons de soupe aux pois qu’ils ont de trop ; ça ne serait