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la terre ancestrale

être temps pour toi de te marier ? Un gars robuste comme tu l’es et moins mal bâti qu’un péché mortel devrait faire loucher bien des jolies filles. À part cela, avec la terre que tu as sous les pieds, tu dois être capable de faire vivre une femme. Sont-ils chanceux, Jean, ces jeunesses-là, de recevoir en naissant, le morceau tout cuit dans la bouche ! Moi, à cet âge, pour gagner une partie de mes études, je travaillais aux scieries durant mes vacances ; mon curé m’aidait pour le reste. Et toi, Jean, tu n’as pas toujours été aussi à l’aise que maintenant.

— Non, dans mon jeune temps, j’allais au chantier en hiver, et les gages n’étaient pas hauts. C’est là que la vache enragée, nous la mangions maigre. Même en été, quand les gros travaux relâchaient un peu, je travaillais pour les autres, et tout l’argent revenait à la maison. C’est de cette façon que le vieux père a réussi à nous établir tous. Je me rappelle même qu’un été, comme les bras ne manquaient pas sur la terre et que Firmin, l’ainé, voulait s’établir, j’étais monté travailler à Québec. J’avais fait le voyage en goélette. Je me serais embauché facilement, car je payais de taille, mais je traînais en remorque un petit cousin, si chétif, si maigre, si souffreteux qu’on l’eût pris pour un hareng de printemps. Il fallait nous accepter l’un et l’autre ou nous refuser tous deux. Après plusieurs