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la terre ancestrale

paroisse natale. Peu habitué aux voyages en chemin de fer, trop énervé pour goûter le repos, il passa la nuit sans dormir et à songer :

D’abord, que ferait-il, si par malheur, le père partait ? Alors, il n’y aurait plus personne pour s’opposer à la vente de la terre ; il déciderait les autres membres de la famille et, bien muni d’argent, retournerait vivre à la ville avec sa mère et sa sœur. Les deux femmes, quand il leur vanterait la vie facile dans la vieille capitale, consentiraient facilement à le suivre. « C’est le père qui les retient », pensait-il. Seules, les femmes ne songeraient pas à garder le bien, car elles ne pourraient pas le cultiver. Il n’y aurait donc qu’une solution : la vente. Si le père vivait, eh bien, il était résolu : il retournait à la ville. Après tout, il n’était pas le seul homme capable de cultiver, le vieux n’aurait qu’à se louer un serviteur. Pour lui, il avait vaincu les difficultés du début, il possédait maintenant une bonne position, il n’irait pas tout lâcher pour la culture et la campagne qu’il n’aimait pas. Plus il s’éloignait du lieu de ses déboires, plus il les oubliait ; moins il apercevait le côté pitoyable de la vie qu’il avait menée depuis huit mois. Il se croyait maintenant un véritable débrouillard, un parfait citadin. Il s’imaginait avoir acquis une grande expérience, se trouvait fort supérieur à ses co-paroissiens. À de certains mo-