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la terre ancestrale

devait pas s’effriter. N’ayant jamais vu la mort chez les siens, il la concevait vaguement. Pour se convaincre, il relut plusieurs fois la dépêche. Alors, il n’eut plus d’hésitation ; il vit qu’il fallait descendre, et sans tarder. Restait la fameuse question du transport. Il n’avait pas le sou, ses amis étaient aussi à sec que lui ou ne voulaient pas se priver pour lui rendre service. Restait sa maîtresse de pension. Quoique coléreuse et acariâtre, elle n’avait pas mauvais cœur. C’était un peu dur de lui conter son embarras, mais réduit aux abois, il mit les pieds sur son orgueil. Il fut reçu de la belle façon, mais dut accepter humblement la bordée d’injures que la femme lui décocha.

— Oui, espèce de fainéant ! lui dit la mégère ; pourquoi n’êtes-vous pas resté chez vous ? Vous êtes venu à la ville y faire le propre à rien. Votre père se meurt sans doute d’avoir exécuté le travail que vous deviez faire. Vous avez préféré venir boire ici, sale ivrogne que vous êtes ! C’est une vraie honte de n’avoir pas même quelques piastres de côté pour aller voir son père mourant. Au lieu de garder votre argent, vous avez préféré saouler les autres et vous avec eux. Allez donc leur en demander des sous, à vos dégoûtants de buveurs. Ça prend un sans talent et un débauché comme vous pour laisser une belle terre et venir faire la noce ici. Je vous assure que si je n’avais pas