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la terre ancestrale

prendre aucune décision : il s’endormit en remettant tout au lendemain.

En s’éveillant le matin, il dut relire la lettre de sa sœur pour se convaincre qu’il n’avait pas été la victime d’un cauchemar. En ce moment, s’il avait été près de son père, il se serait jeté à ses genoux, il aurait imploré son pardon. Mais l’argent, l’argent pour descendre ! La rencontre des camarades, les distractions du travail, dispersèrent un peu ses sombres pensées. De retour chez lui le soir, madame Rudineau lui annonça :

— Il y a une nouvelle urgente pour vous.

C’était une dépêche télégraphique. Il monta dans sa chambre afin d’être sans témoins, et déchira nerveusement l’enveloppe. Avant de lire, plusieurs pensées lui traversèrent l’esprit : la nouvelle, puisque si pressée, devait être mauvaise : son père était-il plus mal, ou même… : enfin il lut :

« Père très mal, faible espoir, viens vite, mère te demande. Adèle. »

C’était donc possible. Il réalisait bien que son père pouvait être malade, mais qu’il le fût assez pour en mourir, il n’y avait jamais pensé. Dans ses rêveries, il avait toujours vu son père vivant, même quand lui serait vieux. Il l’avait toujours considéré comme un granit solide qui ne