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la terre ancestrale

ville, il en avait goûté toutes les misères et tous les plaisirs. Il y avait fait joyeuse jeunesse. Maintenant, il se serait cru bien stupide de ne pas recueillir l’héritage que son père, par tant de labeurs, lui conservait. Jeanne lui apporterait aussi quelqu’argent. Avec cela, il pourrait, de temps en temps, se permettre un voyage à la ville, « se décrasser » un peu, comme il le disait. Plus tard, si la campagne lui devenait insupportable : une terre se vend, une femme doit suivre son époux. Lui qui avait vautré sa jeunesse dans toutes les débauches, il se serait cru bien fou de ne pas prendre une femme saine, jolie et de tout repos. De plus, la possession de quelques mille piastres, valait bien un petit sacrifice.

Le plus difficile maintenant, était la conquête de la jeune fille. Il lui faudrait ruser avec elle, se montrer bon, pieux, reprendre goût à la culture, admirer les beautés de la campagne, louer la sagesse de ceux qui s’attachent à la terre, décrier la vie des villes, regretter le séjour qu’il y avait fait. Delphis pouvait se plier à toutes ces hypocrisies. Par-dessus tout, il fallait en imposer à Jeanne, flatter la vanité que possède toute femme, éclipser les prétendants par ses allures d’homme aisé. Il possédait pour cela l’arme nécessaire : une automobile lui appartenant en propre.

Ce midi-là, Pierre Michaud entra chez lui mi-gron-