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son but, il calculait ses chances. Pour réussir il n’était pas scrupuleux sur le choix des moyens. Il avait entrepris la lutte pour gagner le cœur, la main et l’argent de Jeanne Michaud ; or, la première manche lui appartenait. Il avait si bien manœuvré ! D’abord, connaissant l’amour de Jeanne pour son voisin, il savait ses chances nulles tant que le jeune Rioux vivrait à Trois-Pistoles. Il avait donc réussi dans ce qu’il croyait être le plus difficile de sa tâche : éloigner le jeune homme, et, par cela, le déposséder de son héritage. Tout s’était passé sans qu’Hubert soupçonnât sa bonne foi. Plus encore : le jeune homme, dans sa naïve droiture, croyait devoir de la reconnaissance à celui qui, dans ses premiers pas de citadin, l’avait guidé. Si Delphis n’avait pas réussi, pour attacher son ami à la ville, à lui procurer toutes les félicités promises, il l’avait au moins aigri contre la terre, il avait fouetté son orgueil pour l’empêcher de revenir aux siens. Il n’était pas encore parvenu à vautrer complètement sa victime dans la débauche, mais il lui avait appris à boire et à jouer ; le reste viendrait facilement. C’en était assez pour perdre l’ancien fiancé dans l’estime de Jeanne Michaud. La jeune fille, libre de son cœur, Delphis se chargerait de la manier à sa guise. Il est vrai que, d’après Hubert, elle ne consentirait pas à venir vivre dans la ville, mais que lui importait à lui, Morin ? La