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cette illustre maison, trouve que la journée a assez duré, il est probablement allé se coucher et ce serait le moment que votre hôte comprenne qu’il ne faut pas insister davantage. » Sitaram, le dos toujours tourné, s’évanouit dans l’obscurité. On se demande avec un intérêt passionné ce qui va suivre, et si à la troisième répétition de la cérémonie, Rajendra, profitant de ce que le serviteur au nom éthéré de « Sitaram » lui tourne boudeusement le dos, ne va pas lui allonger au bas du dos un de ces prodigieux coups de pied qui hantent parfois les rêves et les désirs du plus parfait pacifiste. Mais cela finit banalement et comme si c’était seulement le réveil d’un moment de somnolence bizarre. Sitaram, moins fantôme, moins frileux, moins boudeur, vient annoncer que le repas est prêt ; et P. nous quitte pour aller se restaurer dans quelque lointaine cuisine-salle à manger. Ainsi se termine, une heure après que j’ai eu mon repas et deux heures après que Rajendra a pris le sien, cette « cène » fraternelle.

Vraiment cette histoire de caste et de repas est beaucoup plus agaçante et gênante qu’on ne peut se l’imaginer à distance. Pour donner à cet épisode toute sa signification profonde, il faut bien se rendre compte que pas une seconde la cordialité et la gentillesse attentive et affable de Rajendra ne se sont démenties. La conversation ne pouvait que continuer de la manière la plus agréable et la plus naturelle, sans aucune nervosité ; il prenait simplement le temps de ses serviteurs et leurs lubies par dessus le marché, manifestement transcendant à tout cela, par tempérament, sans d’ailleurs se réfugier dans la métaphysique.

… Nous parlons longuement avec Rajendra des préjugés de caste et des possibilités d’un rapprochement religieux profond des Européens de bonne volonté et des Hindous, sur une base absolument large et libre. Cette question