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fester son influence et à inspirer l’assemblée mais d’une manière plus naturelle et plus saine que s’il restait là, lui-même, en chair et en os, et continuait à exercer une emprise due à une simple habitude ou à sa présence physique. Il y a, dans cette attitude sans équivalent ni explication purement politiques, quelque chose qui rappelle le mot du Christ : « Il faut que je vous quitte pour que l’Esprit puisse venir vers vous ». Tant que Gandhi serait  : on continuerait simplement à suivre Gandhi — sans le comprendre — et en se conduisant par ailleurs dans l’action politique de telle manière que le contraste ne pourrait apparaître que comme un mensonge. Il y a là quelque chose de délicat, de compliqué, mais de profondément justifié, bien que plusieurs des meilleurs amis de Gandhi aient eu d’abord beaucoup de peine à le comprendre. Quelques autres, au contraire, désiraient cette décision très vivement et très profondément avant que Gandhi l’ait prise. En se retirant, Gandhi — il n’est pas faux de le dire, — marque son sentiment que le Congrès n’accepte ses principes essentiels que du bout des lèvres et non du cœur. Mais son geste n’a pas purement ce sens négatif. En l’accomplissant, en laissant au Congrès les coudées plus franches, Gandhi estime qu’il y a plus de chances de voir le Congrès marcher réellement dans la direction voulue avec l’Esprit voulu.

Pendant la traversée déjà, nous apprenions, outre la retraite de Gandhi, une autre nouvelle plus curieuse. On savait que Gandhi demandait que les membres des conseils du Congrès, pour donner l’exemple, acceptent de s’astreindre à un certain travail manuel déterminé… Les gens à esprit politique pur (comme le journaliste Sastri) trouvaient cette proposition ridicule. « Le Congrès, disait-il, est un parti politique et non une société de culture morale ou religieuse. »