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Ensuite le respectable Mahâkâçyapa prononça dans cette occasion les stances suivantes :


1. Nous sommes frappés d’étonnement et de surprise, nous sommes remplis de satisfaction pour avoir entendu cette parole ; elle est, en effet, agréable, la voix du Guide [du monde], que nous venons d’entendre tout d’un coup aujourd’hui.

2. Nous venons aujourd’hui d’acquérir en un instant un grand amas de joyaux précieux, de joyaux auxquels nous ne pensions pas, que nous n’avions jamais demandés ; à peine en avons-nous eu entendu parler, que nous avons tous été remplis d’étonnement.

3. C’est comme si un homme eût été enlevé dans sa jeunesse par une troupe d’enfants ; qu’il se fût ainsi éloigné de la présence de son père, et qu’il fût allé très-loin dans un autre pays.

4. Son père, cependant, pleure son fils qu’il sait perdu ; il parcourt, désolé, tous les points de l’espace pendant cinquante années entières.

5. Cherchant ainsi son fils, il arrive dans une grande ville ; s’y ayant construit une demeure, il s’y arrête et s’y livre aux cinq qualités du désir.

6. Il y acquiert beaucoup d’or et de Suvarṇas, des richesses, des grains, des conques, du cristal, du corail, des éléphants, des chevaux, des coureurs, des bœufs, des troupeaux et des béliers ;

7. Des intérêts, des revenus, des terres, des esclaves des deux sexes, une foule de serviteurs ; il reçoit les respects de milliers de kôṭis d’êtres vivants, et il est constamment le favori du roi.

8. Les habitants de la ville et ceux qui résident dans les villages tiennent devant lui leurs mains réunies en signe de respect ; beaucoup de marchands viennent se présenter à lui, après avoir terminé de nombreuses affaires.

9. Cet homme parvient de cette manière à l’opulence ; puis il avance en âge, il devient vieux et caduc ; et il passe constamment les jours et les nuits à penser au chagrin que lui cause la perte de son fils.

10. « Voilà cinquante ans qu’il s’est enfui, cet enfant insensé qui est mon fils ; je suis propriétaire d’une immense fortune, et je sens déjà le moment de ma fin qui s’approche. »

11. Cependant ce fils [qui a quitté son père] dans sa jeunesse, pauvre et misérable, va de village en village, cherchant de la nourriture et des vêtements.

12. Tantôt il obtient quelque chose en cherchant, d’autres fois il ne trouve rien ; cet infortuné se dessèche de maigreur dans la maison des autres, le corps couvert de gale et d’éruptions cutanées.

13. Cependant il arrive dans la ville où son père est établi ; et tout en cher-