Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de cette fortune, ainsi tu l’es toi-même aussi. Puisses-tu ne laisser rien perdre de mon bien ! Que de cette manière, ô Bhagavat, le pauvre homme se trouve propriétaire de la grande fortune du maître de maison, composée d’or, etc., et qu’il ne ressente pas le moindre désir pour ce bien ; qu’il n’en demande absolument rien, pas même la valeur d’un Prastha[1] de farine ; que même alors il continue à rester dans sa hutte de chaume, en conservant toujours ses pensées de pauvreté.

Qu’ensuite, ô Bhagavat, le maître de maison voyant que son fils est devenu capable de conserver [son bien], qu’il est parfaitement mûr, et que son esprit est suffisamment fait, voyant qu’à la pensée de sa grandeur il était effrayé, qu’il rougissait, qu’il se blâmait de sa pauvreté première ; que le père, dis-je, au moment de sa mort, ayant fait venir ce pauvre homme après avoir convoqué un grand nombre de ses parents, s’exprime ainsi en présence du roi ou du ministre du roi, et devant les habitants de la province et du village : Écoutez tous : cet homme est mon fils chéri ; c’est moi qui l’ai engendré. Voilà cinquante ans passés qu’il a disparu de telle ville ; il se nomme un tel, et moi j’ai tel nom. Après avoir quitté cette ville pour me mettre à sa recherche, je suis venu ici. Cet homme est mon fils, et je suis son père. Toutes les richesses que je possède, je les abandonne en entier à cet homme ; et tout ce que j’ai de fortune qui m’appartient en propre, tout cela est à lui seul. Qu’alors, ô Bhagavat, ce pauvre homme entendant en ce moment ces paroles, soit frappé d’étonnement et de surprise, et qu’il fasse cette réflexion : Me voilà tout d’un coup possesseur de tout cet or, de ces Suvarnas, de ces richesses, de ces grains, de ces trésors, de ces greniers, de ces maisons !

De la même manière, ô Bhagavat, nous sommes l’image des enfants du Tathâgata, et le Tathâgata nous parle ainsi : Vous êtes mes enfants, comme disait le maître de maison. Et nous, ô Bhagavat, nous avons été tourmentés par les trois espèces de douleurs ; et quelles sont ces trois espèces de douleurs ? Ce sont la douleur de la souffrance, la douleur du changement, la douleur des conceptions ; et nous nous sommes livrés aux misérables inclinations du monde. C’est pourquoi Bhagavat nous a fait réfléchir à un grand nombre de lois inférieures semblables à l’endroit où l’on jette les ordures. Nous nous sommes appliqués à ces lois ; nous y avons travaillé,

  1. Quarante-huit poignées doubles.