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APPENDICE. — N° VIII.

traire, dans le Vocabulaire pentaglotte comme dans le Dharma sag̃graha, il est assez singulièrement placé au milieu d’attributs relatifs à la beauté et à la perfection des membres en général, de façon qu’il se trouve éloigné, on ne sait trop pourquoi, des autres attributs relatifs à la marché-, dont nous avons vu que nos listes offrent déjà un assez bon nombre, indépendamment des deux que je viens de relever. Il est bon d’ajouter que ce caractère ne se trouve pas ; plus que les précédents chez les Singhalais.

En tête des caractères relatifs aux membres en général, le Vocabulaire pentaglotte place cet attribut, sakamâragâtraḥ, « ses membres sont parfaitement jeunes, » ou « il a les membres d’un homme très-jeune. « Il se trouve sous le n° 27 de la liste népalaise, sakamâragâtratâ, et sous le n° 57 de la liste singhalaise avec une faute d’orthographe, sukhumâlagattatâ, au lieu de sukamâla. L’unanimité de nos trois listes semble donner à ce caractère une plus grande importance que celle qu’on serait tenté d’attribuer aux qualités tirées de la démarche que j’ai signalées tout à l’heure. Il est naturel en effet que les Buddhistes aient donné à leur héros la beauté de la jeunesse pendant laquelle le corps brille de tout son éclat, La traduction que proposait A. Rémusat pour cet attribut confirme l’interprétation que j’expose, avec une nuance cependant qu’il importe de noter : « face remplie d’une majesté prodigieuse et donnant l’air d’une éternelle jeunesse[1] » C’est là en réalité un commentaire plutôt qu’une traduction : on n’y voit du reste que plus complètement la pensée de l’interprète ; l’idée d’une jeunesse éternelle est sans doute exagérée, mais le point curieux à remarquer, c’est que la jeunesse est attribuée, non aux parties qui composent le corps en général, mais à la figure en particulier. Or comment un changement aussi considérable dans le sens a-t-il pu avoir lieu, si ce n’est par la substitution d’un mot désignant la face à un mot désignant les membres ? Il est fort possible que les premiers traducteurs chinois aient eu sous les yeux un énoncé ainsi conçu : sukumâragandah, « il a les joues d’un homme très jeune, » au lieu de sakamâragâtrah. Je ne propose cependant pas de faire cette correction à la leçon de nos trois listes, premièrement à cause de leur unanimité qui les protège contre tout changement arbitraire ; secondement parce qu’on ne comprendrait pas pourquoi ce caractère, tiré de la beauté et de la jeunesse du visage, serait ainsi éloigné des autres caractères analogues tirés de l’éclat des joues.

Les caractères relatifs aux dents reçoivent, dans le Vocabulaire pentaglotte, l’addition des nos 57, çakladam̃chṭah, « il a les canines blanches, » et 58, samadam̃chṭaḥ, « il a les canines égales. » Ces caractères se retrouvent également dans la liste népalaise et dans cet ordre : n° 56, çukladam̃chṭratâ, et n° 57, samadam̃chṭratâ ; le mot dam̃chṭrâ y est, comme on voit, plus correctement écrit que dans le Vocabulaire pentaglotte. La liste singhalaise a aussi deux articles relatifs aux dents, mais ils diffèrent sensiblement de ceux qui précèdent ; ce sont le n° 31, suddhadantatâ, et le n° 32, siniddhadantatâ, c’est-à-dire, » la qualité d’avoir les dents blanches et lisses. » La différence porte ici sur l’emploi du mot danta, « dent, » en général, au lieu de dam̃chṭrâ, « œillère ou canine. » En lisant dam̃chṭrâ, comme le font le Vocabulaire pentaglotte et la liste népalaise, on évitera la répétition qu’offriraient ces deux énoncés avec les nos 7 et 9 de la liste des trente-deux signes de beauté.

  1. Mélanges asiatiques, t. 1, p. 171.